
Attention, l’oignon déteste pousser à côté des pois
Sommaire de cet article
Les fondements scientifiques de l’incompatibilité
L’antagonisme entre l’oignon (Allium cepa) et les pois (Pisum sativum) n’est pas une simple superstition de jardinier, mais un phénomène documenté scientifiquement. Les oignons, comme tous les membres de la famille des Alliacées, produisent des composés soufrés volatils qui se diffusent dans l’air et le sol environnant.
Ces substances, responsables de l’odeur caractéristique de l’oignon, agissent comme répulsifs naturels contre certains insectes mais perturbent également la croissance des pois.
Les pois, appartenant à la famille des Fabacées (légumineuses), établissent une relation symbiotique avec des bactéries fixatrices d’azote du genre Rhizobium. Cette symbiose se matérialise par la formation de nodosités sur les racines des pois, véritables usines à azote bénéfiques pour la plante.
Les composés soufrés émis par les oignons interfèrent avec cette symbiose en perturbant l’activité des bactéries Rhizobium, réduisant ainsi la capacité des pois à fixer l’azote atmosphérique.
Effets observables au jardin
Lorsque ces deux cultures sont plantées à proximité l’une de l’autre, plusieurs symptômes révélateurs peuvent être observés :
- Croissance ralentie des pois avec des tiges plus courtes et moins vigoureuses
- Diminution significative du nombre de fleurs et donc de gousses produites
- Jaunissement prématuré du feuillage des pois
- Développement réduit des bulbes d’oignons
- Sensibilité accrue aux maladies pour les deux cultures
Des études menées par l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) ont démontré que la proximité de ces deux cultures peut entraîner une baisse de rendement allant jusqu’à 30% pour les pois et 15% pour les oignons.
Ces chiffres soulignent l’importance de respecter cette incompatibilité lors de la planification du potager.
Les alternatives compatibles pour ces cultures
Plutôt que de renoncer à cultiver l’une ou l’autre de ces plantes appréciées, le jardinier avisé cherchera des compagnons de culture favorables pour chacune d’elles. La tradition potagère française, enrichie par des siècles d’observation, nous offre de précieuses indications à ce sujet.
Ces associations bénéfiques, ou « compagnonnages », permettent non seulement d’éviter les incompatibilités mais aussi de créer des synergies positives.
Compagnons idéaux pour l’oignon
Les oignons s’épanouissent particulièrement bien aux côtés de certaines plantes qui, loin de souffrir de leurs composés soufrés, en tirent parfois bénéfice :
- Les carottes : association classique du potager français, l’odeur de l’oignon repousse la mouche de la carotte
- Les betteraves : leurs systèmes racinaires occupent des profondeurs différentes, limitant la compétition
- Les tomates : les oignons aident à repousser certains ravageurs des solanacées
- Les fraisiers : protection mutuelle contre divers insectes nuisibles
- Les laitues : cultures à cycles courts qui valorisent l’espace entre les rangs d’oignons
Compagnons favorables aux pois
Les pois, quant à eux, entretiennent des relations harmonieuses avec de nombreuses plantes potagères :
- Les carottes : profitent de l’azote fixé par les pois
- Les radis : culture rapide qui peut précéder ou suivre les pois
- Les concombres : bénéficient de l’ombre légère fournie par les pois grimpants
- Les choux : association traditionnelle dans le potager français
- Les aromates comme la menthe et la coriandre : repoussent certains insectes nuisibles aux pois
Stratégies d’aménagement du potager
La connaissance des incompatibilités entre plantes doit guider l’organisation spatiale et temporelle du potager. Pour éviter la proximité néfaste entre oignons et pois tout en optimisant l’espace disponible, plusieurs approches sont possibles, inspirées des méthodes traditionnelles françaises.
Ces techniques s’inscrivent dans une démarche de jardinage raisonné, respectueux des équilibres naturels.
La rotation des cultures
La rotation des cultures constitue une pratique fondamentale du jardinage durable. Elle consiste à ne pas cultiver les mêmes familles de plantes au même endroit d’une année sur l’autre.
Cette méthode permet non seulement d’éviter l’épuisement du sol mais aussi de gérer intelligemment les incompatibilités.
Un plan de rotation sur quatre ans pourrait s’organiser ainsi :
- Première année : légumineuses (pois, haricots) qui enrichissent le sol en azote
- Deuxième année : légumes-fruits gourmands (tomates, courgettes) qui profitent de cet azote
- Troisième année : légumes-feuilles (salades, choux) aux besoins intermédiaires
- Quatrième année : légumes-racines dont les alliacées (oignons, ail) moins exigeants
La culture en planches séparées
Pour les jardins de taille modeste, la séparation physique des cultures incompatibles reste la solution la plus simple.
Les oignons et les pois devraient être cultivés dans des planches suffisamment éloignées, idéalement séparées par d’autres cultures neutres ou bénéfiques pour les deux.
Une distance minimale de 1,5 à 2 mètres est recommandée pour limiter les interférences biochimiques.
Le potager en carrés, méthode popularisée en France par la jardinière Brigitte Lapouge-Déjean, offre un cadre idéal pour gérer ces séparations.
Chaque carré de culture, généralement d’1m², accueille une famille de plantes différente, permettant une gestion précise des associations et rotations.
Cette approche convient particulièrement aux jardins urbains et périurbains où l’espace est limité.
Conseils pratiques pour le jardinier
Au-delà de la simple séparation des cultures incompatibles, certaines pratiques peuvent renforcer la santé globale du potager et atténuer les effets négatifs des mauvaises associations lorsqu’elles sont inévitables :
- Enrichir le sol en matière organique pour améliorer sa structure et sa vie microbienne
- Pratiquer le paillage qui limite les échanges gazeux entre les plantes au niveau du sol
- Introduire des plantes aromatiques qui, par leurs huiles essentielles, créent des barrières olfactives
- Favoriser la biodiversité pour renforcer la résilience globale de l’écosystème potager
- Tenir un carnet de jardin pour documenter les associations réussies ou problématiques
La tradition jardinière française, particulièrement riche dans le domaine des associations végétales, nous enseigne que l’observation attentive reste le meilleur guide.
Chaque jardin possède ses particularités de sol, de microclimat et d’exposition qui peuvent moduler les règles générales d’incompatibilité.
L’expérimentation prudente et documentée permet d’affiner ces connaissances pour les adapter à son propre contexte.
Pour un potager harmonieux et productif
Respecter l’incompatibilité entre l’oignon et les pois n’est qu’un aspect d’une approche plus globale visant à créer un potager équilibré.
Cette connaissance s’inscrit dans un savoir-faire traditionnel que les jardiniers français ont développé au fil des générations, bien avant l’avènement de l’agriculture chimique.
Aujourd’hui, ces pratiques ancestrales trouvent une validation scientifique et connaissent un regain d’intérêt dans le contexte du jardinage écologique.
En évitant la proximité entre oignons et pois, en favorisant les associations bénéfiques et en pratiquant une rotation raisonnée des cultures, le jardinier contemporain perpétue un héritage précieux tout en garantissant des récoltes abondantes et saines.
Cette attention portée aux relations complexes entre les plantes transforme le potager en un écosystème résilient où chaque espèce trouve sa place dans une harmonie productive.
Le respect de ces principes simples mais fondamentaux constitue la clé d’un jardinage réussi, économe en intrants et généreux en satisfactions
Laissez votre avis